"Le chemin vers le logement adquat existe mais il est trs troit"
L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes) consacre l'édition 2017-2018 de son traditionnel rapport annuel au mal-logement. Intitulé "Mal-logement, mal-logés", ce rapport de plus de 300 pages aborde un thème plus balisé que celui de 2016, consacré à la question de l'invisibilité sociale. La question du mal-logement fait en effet l'objet de différents travaux récurrents, émanant notamment du Haut Conseil pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD), du comité de suivi du droit au logement opposable (Dalo) ou de la fondation Abbé-Pierre.
Le mal-logement perdure malgré les efforts de construction
Le rapport aborde néanmoins la question sous un angle spécifique, puisque l'Onpes précise que ce document résulte "d'un appel formulé en 2011 par le Conseil national de l'information statistique (Cnis), invitant l'Onpes à approfondir plus avant la connaissance du mal-logement en tant que facteur récurrent de la persistance de la pauvreté et de l'exclusion". Le rapport entend donc se pencher sur "ce que signifie être mal logé dans la France d'aujourd'hui, en particulier pour les ménages pauvres et modestes".
Sans surprise, l'Onpes constate que le mal-logement perdure, "malgré un accroissement moyen annuel de l'ordre de 280.000 résidences principales entre 1996 et 2013, en France métropolitaine, toujours supérieur à celui de la population".
Le rapport se concentre plus particulièrement sur la forme la plus aiguë du mal-logement, en l'occurrence "les situations marginales de logement, entendues comme l'hébergement par un particulier, les formes particulières d'habitat et l'absence de domicile, qui touchent de l'ordre de 1,16 million de personnes". Comme sa dénomination le laisse entendre, le mal-logement touche toutefois également une partie des 62,6 millions de personnes vivant, en France métropolitaine, dans un "logement ordinaire".
Le "coût social du mal-logement"
Cette distinction amène à distinguer deux "degrés d'intensité" dans les situations de mal-logement. D'une part, une charge excessive en logement pour les ménages (taux d'effort locatif), entraînant des privations sur les autres besoins à satisfaire et compromettant la participation à la vie sociale, qui touche une part croissante des ménages à faibles revenus. D'autre part, la difficulté rencontrée par certaines personnes pour passer d'une situation marginale de logement (comme la privation de domicile personnel) à une situation de logement de droit commun.
Ceci amène l'Onpes à aller au-delà des critères traditionnels de caractérisation du mal-logement (conditions objectives d'habitat et perception de leur logement par les intéressés) en proposant un troisième critère pour mesurer la gravité du phénomène : les impacts sociaux et sanitaires qui peuvent en résulter pour les habitants dans la longue durée, en vue de définir à terme une notion de "coût social du mal-logement". Le rapport précise toutefois que ce dernier critère n'a pu être développé que marginalement car, "il demanderait à lui seul un large investissement complémentaire".
Situation à rebours pour les deux premiers déciles de revenus
La crise du logement se concentre plus particulièrement sur les deux premiers déciles de revenus. Ceux-ci connaissent une évolution de leur statut d'occupation inverse de la tendance générale : il restent locataires pour les deux tiers, alors que le reste de la population est propriétaire ou accédant à près de 60%. Conséquence : le parc social accueille la majorité (52%) de ces ménages, même si une part importante loge encore dans le parc privé. De même, le rapport relève "une forme de chassé-croisé" dans la localisation, les ménages pauvres étant désormais presque aussi souvent logés dans les grandes villes (48%) que dans les villes moyennes (33%) et les communes rurales (19%).
Le tableau n'est toutefois pas complètement pessimiste. En matière de qualité des logements, "l'amélioration a été générale entre 1996 et 2013 pour toutes les catégories de revenus, au point que l'absence du confort sanitaire de base est devenue marginale, y compris pour les ménages à bas revenus". Reste néanmoins la question du surpeuplement, qui concerne surtout le ménages pauvres.
Un taux d'effort de plus en plus lourd pour les plus modestes
Mais, pour l'Onpes, "la manifestation la plus nette de la détérioration des conditions de logement, au sens des critères objectifs, se manifeste sur le critère spécifique du 'taux d'effort net des aides au logement', c'est-à-dire la dépense consacrée finalement au logement au regard du revenu". S'il a été relativement contenu entre 2001 et 2013 pour l'ensemble de la population - passant de 16,1% à 18,3% -, ce taux d'effort s'est en revanche fortement accru parmi les ménages pour lesquels il était déjà très élevé, passant de 26,2% à 33,6% - avec une accélération depuis 2006 -, et montant même à 42,4% dans le parc privé. Le taux d'effort dans le parc social a toutefois connu lui aussi une hausse, plus modérée, passant de 22,4% à 27,8%.
Cette situation conduit l'Onpes à avancer la notion d'"habitat critique", conséquence de l'exclusion du logement de droit commun. Il s'agit en l'occurrence d'une forme intermédiaire entre l'absence totale de logement et le mal-logement. Là aussi cependant, la situation n'est pas totalement noire. Entre 2001 et 2014, le nombre de personnes vivant dans des habitations mobiles ou de fortune (de 212 à 231.000), et celles reconnues comme sans domicile (70 à 112.000) aurait augmenté d'environ 12%, autrement dit sur un rythme inférieur à celui de l'ensemble des logements.
Un verrou constitué par l'insuffisance de logements abordables
Face à ces différents constats, l'Onpes estime que "le chemin vers le logement adéquat existe mais il est très étroit". Pour cela, il est indispensable à la fois "d'accroître l'offre de logements locatifs adaptée aux ressources des plus pauvres, de prévenir les ruptures qui conduisent à la marginalité et de mieux assurer le passage depuis un habitat marginal contraint vers un logement de droit commun". Si les progrès sont sensibles en matière d'accès au logement durable, le dispositif de prévention des expulsions et la mise en œuvre du Dalo restent encore perfectibles aux yeux de l'Onpes.
Conclusion : "L'étude des processus et parcours critiques confirme en définitive l'existence d'un verrou constitué par l'insuffisance de logements abordables pour les catégories de revenus les plus modestes dont les niveaux de vie se situent en dessous du seuil de pauvreté à 50% [...], verrou qui fonctionne très sévèrement en Ile-de-France."
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