Mettre le feu aux loges de gardiens ne justifie pas d'tre expuls de son logement
Dans un arrêt du 10 février 2015, la Cour de cassation pose des conditions restrictives à la résiliation du bail, par le bailleur, pour un motif tenant au non-respect de l'"obligation de jouissance paisible" incombant au locataire. L'affaire jugée par la Cour concerne en l'occurrence un bailleur social : Le Logement francilien, venant aux droits de la société Le logement français, qui gère un parc de 82.000 logements, dont 76.000 logements locatifs sociaux.
Des loges de gardiens incendiées...
La famille X..., titulaire d'un bail depuis 1989, a connu quelques difficultés lorsque le fils - qui habitait encore chez ses parents - a "été condamné pénalement pour avoir, courant novembre 2004, incendié plusieurs loges de gardiens et mis le feu au véhicule d'un gardien". Des faits qui n'ont rien d'anodin et qui ont en outre pour caractéristique d'avoir mis en danger la sécurité, voire la vie de salariés du bailleur. La condamnation - qui a reconnu l'intéressé coupable de destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes et l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec exécution provisoire, tandis que ses parents étaient déclarés civilement responsables - a été prononcée par un tribunal pour enfants, ce qui laisse supposer que l'auteur était mineur au moment des faits.
Au vu de la gravité de ces derniers, Le Logement francilien a donc entrepris de dénoncer le bail en invoquant une violation grave de l'obligation de jouissance paisible et en rappelant que les locataires sont responsables des personnes qu'ils hébergent et qui vivent sous leur toit. Le bailleur faisait également valoir que les parents X... ont signé le règlement de police intérieur stipulant que le locataire doit, sous sa responsabilité, interdire à ses enfants de troubler la tranquillité de la résidence.
... mais des faits isolés et non réitérés après la condamnation
La famille X a saisi la justice contre cette décision de résiliation du bail, qui semble au demeurant ne pas avoir eu de conséquences pratiques (bien que l'arrêt ne soit pas très clair sur ce point). Dans un arrêt du 23 avril 2013, la cour d'appel de Versailles leur a donné raison, en considérant qu'il n'y avait pas lieu à résiliation du bail.
Une position confirmée par la Cour de cassation dans son arrêt du 10 février 2015. La Cour estime en effet qu'en dépit de la gravité incontestable des faits - reconnus par une condamnation pénale -, ces derniers "étaient demeurés isolés, la bailleresse ne faisant état d'aucun trouble de jouissance les précédant alors que le bail datait de 1989, ni d'aucun trouble de quelque nature que ce soit postérieurement et notamment après la libération de M. Mounir X... en 2006, alors qu'il habitait encore chez ses parents lors du jugement, la cour d'appel en a souverainement déduit que cette violation par M. et Mme X..., responsables des personnes vivant sous leur toit, de leur obligation de jouissance paisible, ne justifiait pas, en dépit de sa gravité, de prononcer la résiliation du bail".
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : Cour de cassation, troisième chambre civile, arrêt n°13-27287 du 10 février 2015.
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