Les snateurs, grands promoteurs de l'ESS

Publish date: 2024-07-09

En présentant son rapport "Les coopératives en France : un atout pour le redressement économique, un pilier de l'économie sociale et solidaire", le groupe de travail sur l'ESS, créé en février dernier à l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat (voir notre article du 12 mars), n'a pas caché qu'il s'agissait d'une première étape. Il souhaiterait mettre en place un groupe d'études sur l'ESS qui serait "une structure pérenne, clairement identifiée et ouverte à tous les sénateurs intéressés".
Une structure qui pourrait continuer à travailler sur les trois grandes mesures que le gouvernement entend mettre en œuvre dans ce secteur. D'abord la loi d'orientation qui devrait être votée en 2013 et qui permettra notamment de créer un label pour les entreprises de l'ESS en s'appuyant sur des valeurs et non plus en se basant uniquement sur leurs statuts ; la mise en place de la banque publique d'investissement avec un compartiment dédié au financement de l'ESS, et des emplois d'avenir orientés vers ce secteur (voir notre article du 4 juillet).
Par ailleurs, l'ESS ferait figure de "potentiel alternatif" au "capitalisme globalisé et financiarisé", comme l'a redit le président du groupe de travail, Marc Daunis (lors de l'installation du groupe, cet hiver, il avait parlé de "contre-modèle"). "L'économie sociale et solidaire peut participer à la lutte pour le redressement productif de notre pays", milite également le rapporteur Marie-Noëlle Lienemann. D'ores et déjà, le secteur représente 12% du PIB, "le même niveau que l'industrie", compare Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, soulignant qu'il s'agit d'un enjeu non seulement économique mais aussi "de bien-être sur les territoires".

Une définition basée sur des valeurs

L'ancrage territorial est d'ailleurs un des éléments qui caractérise l'ESS. Les deux autres étant "le réinvestissement des bénéfices des entreprises sociales et solidaires dans l'activité elle-même, et non pas auprès d'un actionnariat qui incite à la recherche continue de profit" alors que l'entreprise sociale et solidaire recherche "l'intérêt social", explique Marc Daunis, posant ainsi les bases d'une définition de l'ESS reposant sur des "valeurs" partagées. Avec l'enjeu, pour ces entreprises de chercher à "réconcilier performance et solidarité, croissance et justice, prospérité et développement durable".
Dans ce cadre, les sénateurs estiment que les coopératives (*) allient justement, au-delà de la multiplicité des familles de sociétés coopératives (coopératives de consommateurs, de commerçants, de production avec les Scop, artisanales, agricoles, d'HLM…), "gouvernance démocratique" et "démarche compétitive". Elles bénéficient en outre d'un "ancrage fort dans le tissu productif", représentant 308.000 emplois salariés peu délocalisables (soit une masse salariale de 10 milliards d'euros par an) et plus d'un million si l'on comptabilise leurs filiales qui dépendent directement de l'activité des coopératives. "En période de crise, les coopératives ont mieux résisté, et certains secteurs sont même en émergence", se félicite Marie-Noëlle Lienemann, citant les coopératives d'artisans dont le nombre a augmenté de 35% en sept ans, ou encore les Scop dont le nombre a augmenté de 36 % en dix ans, "notamment du fait des besoins liés à la pyramide des âges vieillissante des chefs d'entreprises", précise le rapport. Car la Scop est une des solutions de reprise par les salariés d'une entreprise en transmission. Elle est également, selon Marie-Noëlle Lienemann, "un bon outil contre les prédateurs qui rachètent des entreprises pour les fermer quelques années après, ou cherchent uniquement à récupérer des brevets".

Encourager la reprise d'entreprise sous forme de Scop

La première des six propositions pour accélérer le développement des coopératives, est d'ailleurs de "donner un nouvel élan au développement des Scop" avec l'ambition de doubler le nombre de salariés en moins de cinq ans, pour atteindre, selon Marie-Noëlle Lienemann, environ 90.000 salariés.
Un des moyens serait d'"encourager la reprise d'entreprises sous forme de Scop", en levant un des obstacles majeurs : l'obligation pour les salariés de disposer d'emblée de la majorité du capital social. Le rapport propose de rendre possible une période transitoire, de cinq à six ans, pendant laquelle, bien que les salariés soient minoritaires, l'entreprise reprise conserverait le statut de Scop et son régime fiscal.
Le rapport suggère également d'instituer un "droit d'information et de préférence" au profit des salariés, en "rendant obligatoire la notification aux salariés de tout projet de cession", ces derniers disposant d'un délai pour faire part de leur intention de se porter repreneurs. "Le non-respect de ce droit de préférence entraînerait la nullité de la cession intervenue", propose le rapport. Une proposition qui va dans le sens du "droit préférentiel" déjà évoqué par Benoît Hamon, et qui devrait être incluse dans la proposition de loi d'orientation.
Enfin, il suggère de réfléchir aux moyens de mobiliser les aides à l'emploi pour les salariés repreneurs "afin de faciliter les reprises d'entreprises en difficulté avant qu'elles ne soient liquidées".
La deuxième série de proposition porte sur la création de nouveaux modes de financement en faveur du développement coopératif. Il s'agirait d'abord, dans l'attente de la création de la banque publique d'investissement et de sa partie réservée à l'ESS, de "reformater les dispositifs de financement public en direction des coopératives" en sollicitant davantage Oséo.
Le rapport suggère surtout la création d'un "fonds de développement coopératif", à l'image de se qui existe déjà en Italie, c'est-à-dire majoritairement "financé par les coopératives elles-mêmes, non pas par les pouvoirs publics", insiste Marie-Noëlle Lienemann. Ce fonds serait alimenté "grâce au versement d'une cotisation obligatoire personnelle", prélevées sur les bénéfices des Scop. Reste à savoir qui gérera ce fonds… et comment.

Assouplir les normes des coopératives d'habitat

Plusieurs propositions s'intéressent aux coopératives d'habitat, qui représentent près de 60% de la production HLM en accession sociale à la propriété et dont les normes jugées "trop restrictives" devraient être assouplies. Les sénateurs suggèrent également de promouvoir des aides publiques "sécurisée" pour l'accession sociale coopérative.
Marie-Noëlle Lienemann, ancienne ministre du Logement et future présidente par intérim de l'USH, explique également l'intérêt de donner la possibilité aux ESH d'adopter le statut de Scic d'HLM, d'élargir l'objet social de ces coopératives en leur facilitant l'exercice de la fonction de syndic, en restaurant leur capacité de prêteur secondaire, ou encore en favorisant la coopération financière entre elles.
Le rapport propose également de créer un statut juridique adapté au développement des coopératives d'habitants, qui serait "un outil efficace pour lutter contre la spéculation immobilière" notamment.
Sujet plus sensible, la quatrième série de propositions entend "assurer une gouvernance fidèle aux principes fondamentaux de la coopération". Visée : la gouvernance des banques coopératives dont les sénateurs souhaiteraient "redonner le pouvoir de contrôle aux sociétaires", notamment en interdisant la présence des "administrateurs indépendants" au sein des conseils d'administration des groupes bancaires coopératifs. Ces personnalités sont en réalité des managers desdites banques devant lesquels les sociétaires n'oseraient pas s'exprimer, selon le rapporteur.
La cinquième série de propositions est de "favoriser un environnement concurrentiel équitable et adapté pour les coopératives". Traduction, pour le secteur agricole : préserver le régime fiscal des coopératives agricoles "qui ne constitue pas un cadeau fiscal mais une juste prise en compte par le législateur des contraintes propres au financement des entreprises", martèlent les sénateurs du groupe de travail.
Pour les banques coopératives, cette proposition permettrait de "veiller à ce que la redéfinition des normes comptables et des ratios prudentiels ne (les) désavantage pas", ces banques étant "la principale source de financement des PME en France", a souligné le rapporteur.
Enfin, la sixième série de propositions vise à "encourager l'engagement dans des projets coopératifs", en mobilisant davantage des réseaux consulaires, mais aussi en faisait connaître le fait coopératif dans l'enseignement, notamment l'enseignement agricole qui, aujourd'hui, ne l'aborde jamais dans ses programmes.

Valérie Liquet

(*) Les coopératives (308.500 salariés, 22.800 établissements) sont une des structures que l'on classe dans l'ESS, avec les associations (1,7 million de salariés, 133.550 établissements), les mutuelles (120.000 salariés, 6.300 établissements) et les fondations (63.000 salariés, 1.100 établissements).

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