Les Ehpad ont toujours autant de mal recruter
Les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont au cœur de l'actualité avec la récente présentation, par Agnès Buzyn, de la feuille de route "pour relever le défi du vieillissement à court et moyen terme" (voir nos articles ci-dessous du 30 mai et du 5 juin 2018) et la confirmation par Emmanuel Macron de la préparation en 2019 d'une loi sur le "nouveau risque social" de la dépendance avec, lors de son discours le 9 juillet devant le Congrès, un focus particulier sur les Ehpad et la situation de leurs personnels.
La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux publie les résultats d'une enquête sur "Le personnel et les difficultés de recrutement dans les Ehpad". La date d'effet de cette étude se situe au 31 décembre 2015, soit il y a deux ans et demi, mais il y a peu de chances que la situation se soit améliorée depuis lors.
Des difficultés de recrutement plus prononcées dans les Ehpad privés
L'étude exploite en effet les résultats de l'enquête Ehpa 2015 (incluant les maisons de retraite non médicalisées), parmi lesquelles on compte 7.400 Ehpad proposant 600.400 places (98 places pour 1.000 personnes âgées de 75 ans et plus). Ces établissements emploient plus de 430.000 personnes pour un volume horaire correspondant à 377.000 équivalents temps plein (ETP).
Le premier enseignement de l'étude réside dans les différences de taux d'encadrement selon le statut juridique de la structure. Pour un taux moyen national de 62,8 ETP pour 100 places au 31 décembre 2015 (en hausse de 5,5% par rapport aux 59,5 ETP de 2011), le chiffre varie en effet de 55,6 à 69,9 ETP, les Ehpad publics étant les mieux dotés en termes d'encadrement. Cette différence ne s'explique pas par des différences dans le degré de dépendance des résidents : contrairement à une idée reçue, avec un GMP moyen de 736, les structures privées à but lucratif accueillent des personnes âgées aussi dépendantes que les structures publiques hospitalières.
Des écarts apparaissent aussi dans le profil des salariés. Ainsi, les Ehpad publics hospitaliers emploient davantage de personnel soignant (infirmières et aides-soignantes) que les autres établissements (56% des effectifs contre 41%). A l'inverse, les Ehpad privés, et particulièrement ceux à but lucratif, emploient davantage de personnel d'animation (20% des emplois), tandis que les Ehpad publics non hospitaliers se distinguent par une proportion plus importante de personnels des services généraux (16%).
Les deux tiers des Ehpad ont au moins un poste non pourvu depuis six mois
En termes de gestion du personnel, près d'un Ehpad sur deux (44%) déclare rencontrer des difficultés de recrutement. Ces difficultés sont particulièrement prégnantes dans les Ehpad privés à but non lucratif (49,7%) ou à but lucratif (49%). Elles sont en revanche un peu moins prononcées dans les Ehpad publics hospitaliers (34,6%) et dans les autres Ehpad publics (39,2%). Ces difficultés sont toutefois en légère baisse par rapport à 2011, lorsque 46% des Ehpad, tous statuts confondus, déclaraient rencontrer des difficultés de recrutement.
Conséquence de ces difficultés de recrutement : nombre d'Ehpad fonctionnent en sous-effectif par rapport à leurs postes budgétés. Près des deux tiers (63%) des établissements déclarent ainsi avoir au moins un poste non pourvu depuis six mois ou plus. Les postes les plus concernés par ces vacances sont ceux d'aides-soignantes et de médecins coordonnateurs. Dix pour cent des Ehpad ont ainsi un poste de médecin coordonnateur vacant depuis six mois au moins, alors qu'il s'agit là d'un poste unique au sein de la structure. Cette situation pourrait en outre poser problème alors qu'il est prévu de renforcer le rôle des médecins coordonnateurs.
Turn-over, communes isolées et aire urbaine de Paris
Au-delà de la crise de vocation sur des métiers difficiles comme ceux des aides-soignantes, les difficultés de recrutement des Ehpad tiennent aussi à l'existence d'un fort turn-over, tout particulièrement dans les établissements privés. Les aides-soignants en poste dans un Ehpad privé à but lucratif au 31 décembre 2015 travaillent en moyenne depuis 5 ans et demi dans la structure, contre 11 ans et 4 mois d’ancienneté en Ehpad public hospitalier, où la garantie de l'emploi joue évidemment un rôle important.
L'étude révèle également des différences territoriales dans les difficultés de recrutement. Les personnels des Ehpad des grandes unités urbaines affichent ainsi la plus faible ancienneté, compte tenu de la plus grande facilité à trouver du travail dans un grand bassin d'emploi. L'unité urbaine de Paris présente ainsi l'ancienneté dans l'emploi la plus faible - toutes catégories d'emplois confondues -, avec une moyenne de 7 ans, contre 8 ans et 10 mois sur l'ensemble du territoire.
A l'inverse, les Ehpad situés dans les zones rurales ou les aires urbaines isolées conservent plus longtemps leurs salariés - en raison de l'étroitesse du bassin d'emploi -, mais rencontrent davantage de difficultés de recrutement. Ainsi, 15% des Ehpad dans des communes isolées n'ont pas pourvu leur poste de médecin coordonnateur, contre une moyenne nationale de 10%.
Le territoire le plus pénalisé est toutefois l'aire urbaine de Paris, qui cumule des difficultés de recrutement et un nombre élevé de postes non pourvus. Ainsi, 47% des Ehpad parisiens rencontrent des difficultés de recrutement et le nombre de postes non pourvus d’aides-soignants et d’infirmiers figure parmi les plus élevés (respectivement 12% et 10%).
Enfin, et de façon logique, l'étude montre aussi que le recours à l'intérim - solution coûteuse - est plus fréquent parmi les structures rencontrant des difficultés de recrutement.
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFoo56rXZq1sa3DZqanrF2pvLa2zq6prGWRqsGiutNmm55lnZa5br7EnKmurJWn