La rforme de la formation dfinitivement adopte
Après l'Assemblée, mercredi, c'était au tour du Sénat, jeudi 27 février, d'adopter les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale. Le texte est donc à présent définitivement adopté, même s'il a été amputé au passage de l'article 20 sur la réforme de l'inspection du travail votée par le Sénat en première lecture.
Le ministre du Travail, Michel Sapin, a qualifié cette adoption en un temps record d'"excellente nouvelle" et s'est réjoui de la "grande qualité" des débats alors que le projet de loi avait été présenté en Conseil des ministres il y a à peine plus d'un mois, le 22 janvier. "Des réformes de grande envergure" vont pouvoir être mises en oeuvre, se félicite le ministère du Travail, dans un communiqué : création du compte personnel de formation (CPF), réforme de l'apprentissage, qui "permettra de former 500.000 apprentis par an", transparence du financement des organisations patronales et syndicales…
Tout le monde ne partage pas cependant cette vision optimiste. En particulier la CGPME, qui avait refusé de signer l'accord national interprofessionnel (ANI) sur la formation professionnelle du 14 décembre 2013, qui a servi de base au projet de loi.
La confédération campe sur ses positions et rappelle tout d'abord que le projet de loi ne concerne que le tiers des 32 milliards de la formation professionnelle, soit les 12 milliards d'euros à la charge des entreprises. "Comme à l'habitude, l'Etat et les collectivités territoriales sont exempts des efforts demandés aux entreprises pour financer la formation des demandeurs d'emplois", fustige-t-elle dans un communiqué, alors que les régions financent plus de la moitié de la formation des chômeurs. La CGPME s'attend également à une "disparition d'un tiers des contrats de professionnalisation devenus impossibles à financer : 50.000 sur un total de 150.000 !"… Pourquoi de telles divergences, alors que le texte se fixe pour principal objectif est de faire davantage bénéficier la formation à ceux qui en ont le plus besoin, les demandeurs d'emploi et les moins qualifiés ?
Compte personnel de formation
La mesure clé du projet de loi est la création du compte personnel de formation, le CPF, appelé à se substituer au droit individuel de formation, le DIF, à compter du 1er janvier 2015. La grande différence est qu'il permettra d'attacher des droits à la formation directement à la personne et non au contrat de travail. Il suivra ainsi la personne tout au long de sa carrière, de l'âge de 16 ans à la retraite. Le CPF sera crédité en heures jusqu'à un plafond de 150 heures obtenu en un maximum de sept ans (et non plus neuf, comme initialement prévu). Les heures accumulées ne seront donc pas perdues en cas de changement d'employeur. Au-delà du plafond, le compte pourra faire l'objet d'abondements complémentaires de la part de l'employeur, du salarié, de Pôle emploi, des régions, de l'Etat, les organismes collecteurs agréés ou encore l'Agefiph pour les personnes handicapées.
Le CPF permettra d'accéder à des formations liées aux "besoins de l'économie" mais ne sera dans un premier temps applicable qu'aux salariés du privé et aux chômeurs, et non aux fonctionnaires.
Financement
Outre le CPF, le texte s'attaque au financement de la formation telle qu'elle a été négociée dans le cadre de l'ANI du 14 décembre 2013. Une contribution unique (au lieu de trois aujourd'hui) est instaurée pour l'ensemble des entreprises, qui sera versée par les entreprises à leur Opca : cette contribution va de 0,55% de la masse salariale pour les entreprises de moins de 10 salariés à 1% pour celles de plus de 10 salariés. C'est justement l'un des points de crispation de la CGPME. "Les perdants seront les PME assujetties à de nouvelles obligations sans avoir les moyens financiers de les mettre en œuvre", s'était-elle insurgée il y a deux mois. "Ce texte consacre une rupture d'égalité devant l'accès à la formation professionnelle, selon que l'on travaille ou non dans un grand groupe", maintient-elle, dans son communiqué.
Toutefois, les parlementaires ont prévu un renforcement de la mutualisation des financements au profit des entreprises de 10 à 49 salariés : chaque année, les fonds non utilisés par les Opca au titre du CPF seront reversés au FPSPP (fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels).
Apprentissage
Le troisième gros volet concerne l'apprentissage. Plusieurs mesures ont été apportées. Les contrats d'apprentissage pourront désormais être conclus dans le cadre d'un CDI. Les jeunes atteignant 15 ans avant le terme de l'année civile pourront débuter leur formation sous statut scolaire ou de stagiaire avant de conclure leur contrat. Les missions des centres de formation des apprentis sont par ailleurs renforcées. Ils travailleront notamment avec les missions locales pour apporter un accompagnement aux apprentis afin de "prévenir ou résoudre les difficultés d'ordre social et matériel susceptibles de mettre en péril le déroulement du contrat d'apprentissage".
Le texte approfondit la réforme de la taxe d'apprentissage initiée par la loi de finances pour 2013, en partie censurée par le Conseil constitutionnel. La nouvelle taxe (0,68% de la masse salariale) est issue de la fusion de la taxe actuelle (0,5%) et de la contribution au développement de l'apprentissage (0,18%). Les entreprises ne pourront pas affecter plus de 21% de la nouvelle taxe d'apprentissage due aux CFA et aux sections d'apprentissage et pas plus de 23% aux autres formations premières (lycées, universités, grandes écoles…).
Mais la fraction de la taxe versée aux régions et les modalités de répartition entre elles seront définies dans la loi de finances pour 2015. Un point très important pour les régions qui attendent de connaître les ressources dont elles vont disposer pour pouvoir atteindre les objectifs gouvernementaux, alors que l'apprentissage a connu une baisse conséquente en 2013. Les doutes ne sont donc pas levés. "On se demande comment le président de la République compte tenir son engagement de faire signer 500.000 contrats d'ici 2017... La suppression brutale des contrats d'objectifs et de moyens Etat-région va en freiner le développement", a prévenu le sénateur UMP du Loiret, Jean-Noël Cardoux, lors des ultimes débats.
Régionalisation
Sans attendre la deuxième loi de décentralisation, le texte renforce le bloc de compétence des régions en matière de formation au-delà des chômeurs. Le projet de loi précise ainsi "les conditions dans lesquelles la région organise et finance le SPRFP (service public régional de la formation professionnelle), afin de garantir l'accès à la qualification". Il précise ses missions dans ce domaine (lutte contre l'illettrisme, égal accès des femmes et des hommes aux filières de formation, formation des personnes handicapées, des personnes sous main de justice, des Français établis hors de France...).
Les régions "coordonneront" l'achat public de formation public de formations pour leur compte et, pour les formations collectives, pour le compte de Pôle emploi. Ainsi, l'achat de formations collectives par Pôle emploi ne sera possible que dans le cadre d'une convention conclue avec la région.
Le projet de loi pose par ailleurs "les bases de la reconnaissance d'un Sieg (service d'intérêt économique général) pour la formation des publics en difficulté. Un article pose le principe et les modalités de la "compensation financière" de l'Etat aux régions pour "les transferts de compétences à titre définitif".
Le texte instaure par ailleurs un contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelle. Les parlementaires ont enfin clarifié les conditions dans lesquelles l'Etat pourra transférer aux régions les immeubles de l'Afpa.
Devant les sénateurs, jeudi 27 février, Michel Sapin s'est engagé "à ce que toutes les mesures s'appliquent dès le 1er janvier 2015, en particulier celles sur la formation professionnelle". "Evidemment, ce n'est pas cela seul qui inversera la courbe du chômage mais notre souci est d'agir en profondeur", a-t-il déclaré.
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