Jean-Marc Ayrault donne son feu vert au Nouveau Grand Paris
Est-ce la fin d’un long bras de fer entre l’Etat, la région et les collectivités ? Le 6 mars, Jean-Marc Ayrault a préféré tirer des leçons que d’en donner. Symbole oblige, c’est dans un lieu du savoir et de l’enseignement, l'université de Marne-la-Vallée, qu’il a prononcé un discours, fédérateur et très attendu, annonçant le lancement de ce grand projet métropolitain engageant ses parties prenantes sur les vingt prochaines années. Exit le Grand Paris, place au Nouveau Grand Paris ! Est-ce un simple effet de langage ? Dans un ouvrage éclairant sur cet enjeu*, l’urbaniste Marc Wiel rappelle que le terme Grand Paris de l'ère Sarkozy a successivement désigné "une réforme institutionnelle de la partie dense de l’agglomération, un concours d’idées entre architectes avant de devenir le nom d’une société créée pour faire un métro et construire des gares". D’où un terme à la fois "porteur d’espérance" et de confusion. Avec le Nouveau Grand Paris, le Premier ministre confirme donc le retour d’un Etat stratège sur ce dossier, sans trop trahir les attentes, sans tenter l’impossible mais en éclairant les choses et en tentant d’apporter une lisibilité, une cohérence d’ensemble réclamée par tous.
Son discours prononcé devant un parterre d’élus et de personnalités a commencé par une ode à la solidarité, une valeur à porter haut dans "cette région particulière, la plus riche de France, la plus peuplée mais aussi la plus contrastée", où les inégalités se creusent et "où nombreux sont ceux qui vivent dans des conditions dégradées". Côté logement, l’objectif de 70.000 constructions par an est maintenu. "Même si pour l’heure, on en est loin", a tempéré le Premier ministre, tout en se prononçant en faveur d’une répartition plus juste des moyens. Pour renforcer la péréquation et que "les départements les plus riches aident les moins bien lotis", la création d’un fonds de solidarité dédié est selon lui nécessaire. Tout comme la préparation d’un schéma régional de l’habitat, "pour éviter une politique de logement à deux vitesses". Enfin, un nouveau délégué interministériel à la vallée de la Seine sera nommé pour "mieux tirer parti de cette richesse".
Transports : deux faces d’un seul et même projet
Ce "Nouveau Grand Paris" s’incarne avant tout sur le terrain des transports. "Ambitieux et financé, ce projet de transports sera l’armature du développement francilien. Tous les chantiers prévus seront lancés", a motivé le Premier ministre. Le plan élaboré par Matignon a l’audace de marier les échelles. Il comprend donc aussi bien des améliorations à court terme - pour la plupart déjà connues et qui interviendront dans les quatre années à venir sur le réseau actuel (information voyageurs, chantier de modernisation) - à la perspective que dresse à long terme le projet du Grand Paris express, dont le phasage a été précisé. "Avec le Nouveau Grand Paris, le plan de mobilisation pour les transports et le métro du Grand Paris express sont désormais les deux faces d’un seul et même projet", applaudit le conseil régional au détour d’un communiqué. Mieux, les deux chantiers - amélioration de l’existant et nouveaux tronçons - seront menés de façon concomitante. Tout en saluant "l’adoption d’un échéancier précis avec des points d'étape", la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) a fait savoir que la profession était en mesure de créer ces infrastructures. Des élus ont également confié l’importance pour eux d’avoir en main un échéancier des mises en service fiable et courant jusqu’en 2030.
Le réseau en 2030
A cette date, le réseau aura une toute autre envergure : 72 nouvelles gares auront été créées et il comprendra au total 18 lignes. Bonne idée : les numéros donnés aux quatre axes créés seront similaires à ceux du métro parisien. Des chiffres remplacent donc les couleurs présentes dans les précédentes cartes du métro du Grand Paris. Ainsi, la ligne 14 qui existe et va être prolongée croisera la ligne 15, qui sera nouvellement créée et passera notamment par Noisy-Champs (Seine-Saint-Denis), une station que la ligne 16 desservira également avant de croiser sur son trajet la ligne 17, etc. Au final, le Grand Paris express sera constitué de trois projets interconnectés aux lignes existantes : des prolongations de lignes de métro "lorsque cela est pertinent et permet d’aller plus vite", une rocade métro ferrée et enterrée (la ligne 15) d’un gabarit proche du métro parisien, pour "désaturer la zone dense en une spirale interopérable", et des solutions de transport plus légères, moins coûteuses et "à capacité adaptée" aux trafics comme le préconisait le rapport de Pascal Auzannet pour la desserte de territoires en développement (ligne verte entre Orly et Versailles, Arc Grand Est, plateau de Saclay). "Les premiers travaux commenceront en 2015 et d’ici 2025, les trois quarts du réseau seront mis en service", assure le Premier ministre. En revanche, le sort du projet de liaison entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle (CDG express) n’a pas été tranché. Les quatre établissements publics concernés (Aéroports de Paris, RATP, SNCF et Réseau ferré de France) ne sont pas parvenus à mettre en oeuvre conjointement le projet. Mais le gouvernement se dit prêt à étudier de nouveaux montages possibles.
Des équations plus précises
Le financement de l’ensemble est clarifié. D’ici 2017, pas moins de 7 milliards d’euros seront engagés dans l’amélioration des transports du quotidien. Dont 2 milliards d’euros prélevés à titre exceptionnel des comptes de la Société du Grand Paris (SGP), afin de financer le prolongement du RER E (Eole) et d’autres travaux prévus dans le cadre du plan de mobilisation. La SGP, qui sera le maître d’ouvrage des nouvelles lignes avec pour autorité organisatrice de tutelle le Syndicat des transports d’Ile-de-France (Stif), bénéficiera dès l’an prochain de ressources précédemment affectées à l’Anru. La création des nouvelles lignes et le chantier du Grand Paris express représenteront un tout autre coût : 24 milliards d’euros ! En plus des redevances versées pour l’usage du réseau qu’elle touche actuellement, la SGP va donc partir en quête de nouvelles ressources fiscales. Même complétées par des financements européens, et même si l’Etat s’engage par ailleurs à apporter si besoin un soutien de un milliard d’euros, le compte sera loin d’être atteint. "En premier lieu, d’ici 2020, il y a 2,5 milliards d’euros à trouver", ne cache pas le Premier ministre. Etant donné l’enjeu, tous les acteurs concernés, entreprises et collectivités, vont être associés à cette recherche de financement. Sachant que, pour les collectivités, "le gouvernement travaille pour qu’elles puissent mieux contrôler les recettes tirées du stationnement".
Nouvelle gouvernance
"La France a la chance d’avoir une métropole mondiale, pour lui donner tous les moyens de se développer, elle a besoin d'une nouvelle gouvernance", a insisté Jean-Marc Ayrault. En ce sens, le 10 avril, le projet de loi de décentralisation, qui prévoit notamment la création de la Métropole de Paris, sera présenté en Conseil des ministres. Et d’ajouter : "L’objectif d’ici là est de renforcer, de muscler les intercommunalités pour qu’elles puissent conduire des projets ambitieux. Puis, sur la base de cette nouvelle carte intercommunale, de doter dès 2016 le territoire d’une métropole qui ne sera pas une institution de plus mais bien un outil renforçant l'efficacité des programmes et la poursuite d’objectifs à long terme." Cet établissement public sera gouverné par un conseil métropolitain associant le maire de Paris et les présidents d’intercommunalités d’Ile-de-France.
Morgan Boëdec / Victoires éditions
* Le Grand Paris, premier conflit né de la décentralisation, L’Harmattan, 2011
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