Cur de ville, terre de mission pour les HLM

Publish date: 2024-05-14


Dans le cadre de son 80e congrès, l'USH organisait, le 25 septembre, une rencontre professionnelle sur le thème "Intervention en tissu urbain existant : outils et opportunités pour les organismes dans la redynamisation des centres-villes et centres-bourgs". La salle comble témoignait de l'intérêt que suscite la question dans le monde HLM. La crise des gilets jaunes a mis en lumière le sentiment de déshérence de certaines villes petites ou moyennes (voir notre article ci-dessous du 25 septembre 2019). Mais la question se trouve surtout relancée – et dynamisée – par le programme "Action cœur de ville" (ACV), qui couvre 222 villes moyennes, et la loi Elan du 23 novembre 2018, qui a créé l'ORT ou "opération de revitalisation de territoire" (dispositif fortement enrichi par le Sénat au point que l'article unique dans le projet de loi initial du gouvernement s'est transformé en 17 articles dans le texte publié au JO). L'intervention des organismes en cœur de ville ou en centre-bourg n'est certes pas nouvelle, mais tous ces éléments lui donnent un sérieux coup d'accélérateur, tout en changeant les règles du jeu.

Un "exercice d'équilibrisme" et une approche sur mesure

Tous les participants à cette table ronde (*) ont convenu que ce type d'intervention constitue un "exercice d'équilibrisme" difficile, sinon impossible, à reproduire. Chaque opération est en effet unique, ce qui interdit toute "industrialisation". Une autre caractéristique est que ces opérations nécessitent de mobiliser des partenariats multiples, autour de la collectivité et de l'EPCI concernés.
Enfin, la conduite de ces opérations suppose de disposer des compétences spécifiques, qui n'existent pas toujours au sein des organismes HLM. D'où la mise en œuvre d'une professionnalisation qui conduit certains d'entre eux à se doter d'équipes dédiées et/ou à développer des mutualisations entre organismes.
Cette mobilisation est d'autant plus nécessaire que la réactivité est forte du côté des collectivités territoriales, qui se sont emparées des dispositifs et entendent développer de véritables stratégies pour leur centralité.

ORT, l'outil miracle ?

Face à cette demande, l'ORT apporte une réponse efficace, même si sa mise en œuvre n'est pas forcément simple. Cette nouvelle catégorie d'opérations offre en effet un nouvel outil beaucoup plus intégrateur et fédérateur : il crée une synergie entre partenaires autour d'un "projet global de territoire" (logement, commerces, déplacements, espaces publics...) et il recourt à une forme contractuelle. Autre intérêt : il permet au préfet de région de suspendre, pour trois ans renouvelables une fois, les demandes d'autorisations commerciales. Enfin, il s'articule évidemment avec les actions cœur de ville, une ACV ayant vocation à se doter d'une ORT.
Pour sa part, la directrice générale de l'Anah rappelle que l'Opah (opération programmée d'amélioration de l'habitat) est le volet "habitat privé" de la démarche. Une articulation entre les deux approches est d'ailleurs tout à fait concevable. En outre, des aides de l'Anah peuvent s'intégrer aux ORT, en particulier sur l'habitat indigne ou sur la vente d'immeubles à rénover.

Raisonner en réseau

Sur ces opérations, il est important de raisonner dans une logique de réseau, afin de faire partager par tous les acteurs un cadre d'intervention et d'aboutir si possible à un cadre régional d'intervention. Autre condition de réussite : ces projets complexes doivent absolument faire l'objet d'un portage politique fort.
En pratique, ces opérations "sont de la dentelle, on négocie tout le temps avec les élus et avec l'ABF" (architecte de bâtiments de France). Il est vrai que les problèmes sont souvent complexes et que le caractère global de l'approche conduit les organismes de logement social à sortir de leur zone de confort et à aborder des enjeux patrimoniaux, de circulation ou de revitalisation du commerce de centralité. En outre, les aides ne couvrent pas forcément tous les surcoûts inhérents à ce type d'interventions.
Sur des opérations plus ponctuelles, l'OFS (organisme de foncier solidaire) est également un outil intéressant à disposition des organismes de logement social, en distinguant la propriété du terrain, qui reste à l'OFS, et celle du logement dont le propriétaire acquitte un loyer pour le terrain. Elle évite en effet une "privatisation" ultérieure d'un bien financé par la collectivité et permet de pérenniser, au-delà de l'opération initiale, l'accès en accession à des logements qui restent abordables. A contrario, l'exemple, évoqué lors de la table ronde, d'un logement réhabilité à Guéthary (Pyrénées-Atlantiques) pour 150.000 euros sur fonds publics et revendu dix ans plus tard par son propriétaire pour 450.000 euros, à la grande fureur du maire, montre le risque de dérives que l'OFS peut éviter.

Un changement d'échelle avec Action cœur de ville

De façon plus large, on assiste aujourd'hui à un changement d'échelle avec Action cœur de ville : il y a désormais une volonté forte des élus de porter un regard urbain sur leur centralité. Loin des opérations ponctuelles, les opérations peuvent ainsi porter sur des îlots entiers et sur des secteurs emblématiques, ce qui suppose une ingénierie complexe, dont les compétences n'existent pas toujours dans les petites villes. Or les organismes de logement social sont présents dans la durée, ils apportent une assurance et peuvent en outre être des opérateurs dès le départ du projet.
Autre acteur clé dans ces opérations : les établissements publics fonciers (EPF). Celui de Bretagne a été conçu dès le départ comme "un EPF de renouvellement urbain", avec pour objectif d'aider les collectivités à consommer moins d'espaces naturels en les accompagnant dans la redynamisation de leurs centralités. En amont, l'EPF aide la collectivité à définir une stratégie foncière. Puis il aide à sa mise en œuvre opérationnelle. Il peut aussi être maître d'ouvrage sur les opérations de déconstruction et de dépollution avec, en outre, une prise en charge qui peut aller jusqu'à 60% du coût. Ainsi, l'EPF "dé-risque" les opérations foncières et donne du temps à la collectivité.

(*) • Elodie Amblard, directrice générale de Noalis.
• Céline Chabot, conseiller juridique urbanisme, construction et aménagement à l’USH.
• Carole Contamine, directrice générale de l’EPF de Bretagne.
• Emmanuel Hemous, directeur de l’Arosha.
• Cécile Jacquet, directrice du développement et de la maîtrise d’ouvrage, Ophis.
• Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Anah.
• Imed Robbana, directeur général COL.

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